Source: Le Parisien
TEE-SHIRT Disneyland arrimé au corps, Myway est fier comme un pape dans la luxueuse caravane de sa grand-mère. « Moi j'ai jamais été à l'école », s'enorgueillit le petit bonhomme de 12 ans, petit-fils et fils de Gitans « français » sédentarisés à Montreuil. Un malicieux sourire éclaire sa bouille ronde, truffée de tâches de rousseur. Comme ses frères et soeurs et ses cousins, cousines, qui vivent tous à une poignée de mètres dans le quartier Saint-Antoine, Myway ne connaît de l'école que « monsieur Camille » : « C'est le professeur des gens du voyage, qui va de place en place pour nous apprendre à lire. »
Un drôle de camion vert aménagé
Un professeur itinérant qui sillonne depuis vingt ans le département au volant de son drôle de camion vert, passant d'une caravane à l'autre, d'une aire d'accueil à un site « sauvage ». Salarié de l'Aset (Aide à la scolarisation des enfants tsiganes * ), Camille Vergé anime l'une des deux antennes scolaires mobiles de Seine-Saint-Denis. L'une de ces classes itinérantes est destinée aux 6-11 ans ; l'autre aux 12-16 ans. Du lundi au samedi, conformément au calendrier scolaire, Camille et sa nouvelle collègue, Colette Gallet, rejoignent donc depuis la rentrée les camps nomades, la plupart implantés vers Aulnay-sous-Bois, Tremblay ou Villepinte. « Nous donnons deux heures de cour par jour à des petits groupes de huit à dix pour toucher le plus d'enfants possible, décrit l'instituteur. Malgré cela, seuls 365 enfants par an sur plus d'un millier viennent dans le camion-école. Nous ne pouvons pas répondre à tous les besoins : il y a près de 600 caravanes qui tournent en permanence dans le département. » Crée en 1969, l'Aset avait d'abord mis l'accent sur l'alphabétisation et la scolarisation des enfants de familles tsiganes sédentarisées de la banlieue est de Paris. « Depuis 1982, c'est surtout le sort des enfants itinérants, privés d'école, qui a mobilisé nos énergies. Nous avons donc créé la première antenne scolaire mobile (ASM), un camion-école aménagé en classe itinérante », poursuit Camille Vergé. Une aubaine pour les Tsiganes, attachés à une tradition culturelle orale, et très réticents à scolariser leur progéniture. Même lorsqu'ils sont, comme la famille de Myway, fixés depuis des années dans une commune. « Nos enfants ne vont pas à l'école tard, tranche Denise Brion, la grand-mère du petit garçon. Au collège, il y a trop de délinquance. Et même si nos enfants ne sont pas tous des saint-bernard, on ne veut pas qu'ils aillent avec des voyous Il faut que nos filles arrivent pures au mariage. » Camille Veger est donc très apprécié par les familles tsiganes. D'autant qu'il leur sert parfois d'« écrivain public ou de médiateur entre cette société marginale et la société majoritaire ». Sa retraite, dans cinq mois, sera sans doute pleurée dans les caravanes. (*)
C.N. et Maguelone Bonnaud